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Scott et son histoire : une tragédie avec des leçons à retenir

Scott et sa mère Sue.
Scott et sa mère Sue.

Par Ken Johnson

Au cours des 13 dernières années, j’ai très souvent songé à raconter l’histoire de Scott. Je souhaite constamment faire part de son tempérament à ceux qui ne le connaissaient pas ou à ceux qui ont apprécié sa compagnie.

Scott était une personne souriante et heureuse, passionnée par la batterie. Il participait à des compétitions de natation quand il était petit. Il aimait aussi rentrer à la maison à l’heure du déjeuner. Sue, sa mère, venait alors le chercher à l’école avec son vélo, son scooter ou sa voiturette. Il était souvent le seul enfant à déjeuner à la maison, reflet de l’engagement et de l’amour que Sue lui portait. Les jours où il choisissait de rester à l’école, Sue lui laissait une note dans son panier-repas et tous les autres enfants voulaient voir ou entendre ce qu’elle avait à lui dire. (J’aurais dû le lui demander, car je n’ai jamais su!)

Nous avions l’habitude d’aller camper et cela nous procurait beaucoup de plaisir. Nous jouions à la Roulette, aux Atouts, au Cluedo et à n’importe quel jeu à l’heure du coucher; ça continuait pendant que je m’endormais. Une année, Scott et sa mère ont choisi d’habiter dans le Dorset plutôt que de rentrer à la maison. Sue y songe souvent et se demande : « Si nous y étions restés, sa vie aurait-elle été différente? Serait-il encore ici avec nous? » 

Scott espérait devenir compositeur. À cette époque, les écoles de notre ville, Rotherham, étaient bien soutenues par un département de musique et de nombreuses activités parascolaires. Il a joué de l’alto et de la guitare jusqu’à l’âge de 11 ans, puis il s’est mis à la batterie et a joué dans notre Whiston Brass Band local et plus tard dans l’orchestre de Rotherham Schools. À 15 ans, Scott a auditionné pour jouer au sein du groupe Purity, des musiciens beaucoup plus âgés que lui, qui écrivaient leur propre musique et espéraient percer dans le milieu. Malgré les quelques années passées en tournée, ils n’y sont pas arrivés. Nous étions toujours avec Scott en tant que chauffeurs et soutien.

Alors qu’il vendait des batteries dans un magasin de musique, Scott a continué à jouer du rock et de la musique soul dans des groupes. Lui et un ami ont tenu une soirée à micro ouvert et ont invité les gens à se lever et à jouer avec eux. Après sept ans passés dans la boutique, ses relations et ses amitiés sont devenues spéciales quand il a commencé à partir en tournée avec des groupes. Sa personnalité a évolué auprès de son imprésario Paul Munday. Il a appris son métier et a acquis des connaissances lui permettant de travailler comme technicien de batterie, d’œuvrer dans la gestion de scène et de travailler en studio.

Il a travaillé au sein de nombreux groupes : Keane, The Killers, Australian Pink Floyd et enfin Radiohead. Il me disait rarement avec qui il était, car je n’aurais pas su de qui il s’agissait. Son amour pour les véhicules l’a amené à acquérir trois Volkswagen — une Coccinelle de 1957, une Volks « split screen » de 1964 et une Coccinelle 2.3 V5 plus récente — le tout juste avant la dernière tournée. À preuve du contraire, il n’avait aucun défaut, sauf une légère carence en calcium sur une dent de devant. Ce ne sont que quelques points qui montrent l’amour que nous lui portions.

Le 16 juin 2012, notre monde a changé sans que nous le sachions. Le téléphone a sonné en pleine nuit, et on nous a informés qu’une scène s’était effondrée lors d’un spectacle au Downsview Park à Toronto. Scott figurait parmi les disparus. C’est Richard Young, le directeur de la production, qui nous a personnellement téléphoné. (Malheureusement, Richard et son frère nous ont quittés depuis; notre amour accompagne leur famille.) Ensuite, c’est la police de Toronto qui nous a joints. Un policier britannique est arrivé peu de temps après et nous a informés de la mort de Scott. La tempête d’émotions qui a suivi n’a toujours pas cessé. L’événement a fait la une des infos et on parlait du groupe. Dans la foulée, la presse nous a contactés. Au début la bombe a été fort bien gérée, bien qu’à cette époque nous ne pouvions nous en rendre compte.

La scène du parc Downsview était surchargée et s’était effondrée. Il y manquait des composants, et de nombreux aspects de la gestion de scènes démontables ont été mis en lumière. Le décès a été largement rapporté. On en a tiré de nombreuses leçons. Le groupe n’a pas joué pendant près d’un an. La perte d’équipement a été lourde et, je sais, un doute continue de planer au-dessus d’eux. Le batteur Clive Deamer était avec Scott; il est sorti de scène pour voir le début du spectacle, et c’est alors que la scène s’est effondrée. Brian, un gréeur, a été grièvement blessé et a passé la majeure partie de l’année à l’hôpital. Le ministère du Travail de l’Ontario s’en est rapidement mêlé. Quelle immense responsabilité et quel fardeau pour l’inspecteur désigné. Tant de personnes touchées à long terme par la mort de Scott.

Plus de 800 invités ont assisté aux funérailles. Le soutien de Radiohead et de Keane a été incroyable, mais le soutien des amis de Scott l’a été encore plus. Il est difficile de passer devant l’église Minster St Georges à Doncaster où la musique, en particulier « Nothing Else Matters » de Metallica, fusait des haut-parleurs. Si vous n’avez jamais entendu la chanson « Love You So » de Free, écoutez-la pour avoir une idée de la journée et de notre humeur actuelle.

L’inspecteur et l’équipe de MOL ont examiné les causes, ce qui a conduit à une affaire judiciaire fragmentée en raison du temps limité. La préparation et la présentation de l’équipe juridique ont été incroyables. Ce qui s’est passé a été décrit dans l’ordre et en détail pour permettre au juge de bien comprendre les circonstances. Malheureusement, le juge a changé d’emploi, un nouveau juge a été nommé et l’affaire a été rejetée en raison du retard dans la résolution. Ce fut une période particulièrement difficile et coûteuse pour nous; on manquait de clarté et il fallait compter au moins trois ans pour obtenir réparation. Le groupe a rapidement offert un soutien financier dès le premier jour et la disponibilité de toute son équipe pour les années à venir. Nous avons eu la chance de ne pas avoir de difficultés financières à court terme, ce qui n’est pas le cas de tous. Deux autres années plus tard, une enquête a été menée, toujours bien soutenue par MOL et la représentation juridique des défendeurs gérés par le personnel du tribunal qui a apporté un soutien personnel allant bien au-delà des attentes. 

Mon travail dans la construction m’a aidé à comprendre la nature du travail sur scène. Le jury d’enquête a fait 26 recommandations de changements, dont la formation d’un groupe pour effectuer ces changements, et on m’a recommandé d’en faire partie. Ce sont 40 personnes gérées par le ministère qui se sont impliquées dans le groupe et qui se sont réunies régulièrement avec le soutien de l’Event Safety Alliance. Des changements seront apportés à la réglementation pour inclure les scènes démontables. Nous ne saurions trop insister sur la nécessité de plans de travail professionnels dotés d’une méthode claire pour tout. Il ne fait aucun doute qu’après avoir commis une erreur, on sait toujours comment elle aurait pu être évitée. 

L’impact de l’affaire a été significatif. L’évaluation des risques pour les concerts et les scènes est maintenant monnaie courante, et je suis impatient de voir surgir d’autres formations et conseils. Tout cela était bien sûr une distraction majeure pour moi, mais pour Sue, c’était la perte d’un fils. Peu lui importait ce détail. Ma description ne couvre que les événements, naturellement, et peut-être pas assez les émotions ou la personnalité de Scott. Nous nous sentons coupables, car en raison de l’attention des médias, nous semblons être les seules personnes à n’avoir jamais perdu un être cher, ce qui bien sûr n’est pas le cas. En fait, vers la fin de l’affaire, j’ai entendu parler du décès d’un jeune homme à Coachella des suites d’une chute d’un toit de scène; ça faisait 20 ans qu’il travaillait pour son entreprise. Nous ne le connaissions évidemment pas et nous ne pouvions pas contacter sa famille. En fait, « tendre la main » est devenu une expression canadienne pour nous, connu de nous dans une chanson de Paul Rodgers, « Reaching out ». Une fois de retour en tournée, Radiohead a rendu un bel hommage à Scott à Nîmes.

Je suis entouré de gens qui se soucient d’autrui, mais ce n’est pas évident pour ma femme, car elle a du mal à s’impliquer. Nous sommes toujours endeuillés, et les larmes et la tristesse se succèdent au quotidien. Scott était un enfant unique et nous n’avons pas de petits-enfants. Il est enterré dans notre village, alors nous sommes proches de lui. Nous sommes toujours en contact avec un bon nombre de ses amis. On dit que ça devient plus facile avec le temps.

Il est important de savoir qu’on n’est jamais seul, même si cela peut ne pas être évident. Il y a tellement de bonnes gens; il faut simplement ouvrir son cœur. C’est MOL qui nous a menés à Fil de Vie. Nous n’avons pas la foi, mais nous espérons être un jour à nouveau réunis avec Scott. Si c’était possible, on le rejoindrait dès demain.