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Apprendre à m’aimer comme je suis

Aaron with his wife and children.
Aaron avec sa femme et ses enfants.

par Aaron Kearley

J’ai six enfants et j’ai commencé à trimer dur à partir de l’âge de 13 ans. J’ai pris plaisir à travailler. J’ai œuvré dans les champs pétroliers pendant trois ans, puis j’ai été tôlier durant 25 ans. Je travaillais six ou sept jours par semaine, de 8 à 16 heures par jour.

Quand j’étais tôlier, je me souviens que j’avais souvent des entailles aux mains, mais c’était un travail très gratifiant. Je prenais plaisir à participer à la conception et à la fabrication de quelque chose. J’avais un sentiment d’accomplissement.

J’étais le pourvoyeur, le père, le mari et le grand-père. Mes temps libres, j’aimais les passer en famille à faire du camping ou à aider mes enfants à construire des choses ou à jouer avec eux. J’étais toujours en santé et sociable. J’aimais mon travail. J’étais celui qui donnait un coup de main aux gens en difficulté au retour du travail. J’aimais tous les sports comme le hockey, le baseball, le golf et la pêche. Il me semblait que ma vie était bien remplie et j’étais heureux de ce que ma femme et moi avions réussi à bâtir.

Je dirigeais ma propre entreprise avec ma femme. Je faisais des conduites, des systèmes de ventilation et de chauffage, et des travaux de bricolage. J’avais des horaires de fou et j’ai commencé à en ressentir les effets avec l’âge. Je voulais passer plus de temps à la maison. L’entreprise pour laquelle je sous-traitais m’a offert un poste clé dans la fabrication du métal en feuille. En voyant les avantages pour moi et ma famille, j’ai tout de suite accepté.

En 2011, après quelques mois passés dans ce travail, notre fille est morte à l’âge de 21 mois. Ça m’a frappé de plein fouet et j’ai cessé de travailler pendant quelques mois. À mon retour, j’ai constaté que la peau de mes mains était squameuse. Il y avait de petites coupures et des ampoules. Plus je travaillais, plus c’était douloureux, mais j’ai continué à me plonger dans le travail parce que j’aimais ça, et que je voulais me changer les idées.

La paume de la main d’Aaron porte une plaie douloureuse.
Les mains d’Aaron étaient tellement couvertes de plaies qu’il ne pouvait plus travailler.

En 2014, mes mains étaient couvertes de plaies. J’avais des ampoules, des coupures et je saignais du bout des doigts jusqu’aux poignets. Je m’absentais de deux à quatre jours par semaine à cause de la douleur. Mon médecin m’a envoyé passer des tests. J’ai reçu un diagnostic de dermatite de contact allergique, forme rare de maladie assez fréquente chez les tôliers, mais la sévérité de mon cas était inhabituelle. Comme j’ai travaillé très longtemps dans ces conditions, je suis pratiquement allergique à tout : le caoutchouc noir et gris qu’on retrouve dans 97 % de tous les caoutchoucs et plastiques, le chrome, certains aliments, et j’en passe.

J’ai commencé des traitements de lumière et une chimiothérapie sous forme de pilules. La CAT voulait une biopsie pour confirmer le diagnostic. Lorsqu’on m’a coupé, ma main a commencé à enfler : j’étais allergique au scalpel, aux sutures, au diachylon et au Polysporin.

Il m’a fallu des mois pour m’en remettre et deux ans pour faire accepter ma réclamation auprès de la CAT. J’ai fait faillite et j’ai dû recevoir du soutien en santé mentale durant ces deux années. Une fibromyalgie provoquée par le stress s’en est suivi. Le médecin a trouvé une nouvelle pilule appelée Toctino qui a mis fin à la dermatite de contact allergique, mais elle comporte des inconvénients : elle me rend malade. Je dois éviter toute exposition au soleil et j’ai de la difficulté à voir à la tombée de la nuit, mais elle contrôle la maladie. Je peux toujours faire certaines choses avec modération.

Durant ce parcours, j’ai oublié qui j’étais. Je ne suis plus le soutien familial, le père, le grand-père, et celui qui aimait aider les gens. J’ai perdu mon identité. Maintenant, je suis en quelque sorte une mère. Je m’occupe des enfants à la maison. Les rôles ont été inversés, mais je n’arrive pas à tout faire en raison des deux maladies. Même si mes enfants adorent que je sois là, je me suis efforcé de ne pas être une charge pour ma femme et ma famille, ce qui a fait empirer mon bien-être et mon état d’esprit.

Cela fait maintenant huit ans que je suis devenu cette nouvelle personne. Je commence à me rendre compte que celui que j’étais n’est plus. Alors, qui suis-je? Quel est mon apport maintenant? J’ai compris qu’avant j’étais attentionné et que je rendais service. Je le suis toujours et c’est à cela que je me raccroche. J’ai toujours à cœur d’aider, voilà pourquoi je tiens à faire part de mon récit dans l’espoir que ça aidera quelqu’un d’autre en difficulté. Il faut garder le moral, ne pas baisser les bras. On va de l’avant avec ce qui reste! Même s’il vous manque des morceaux, vous avez encore beaucoup à donner. Prenez conscience de ce qui est là et avancez!

Ma vie est maintenant bien différente de celle que j’avais envisagée. J’éprouve des douleurs chaque matin au réveil; parfois aux bras ou aux jambes, parfois de la tête aux pieds. La douleur dicte ce que je peux faire durant la journée. J’ai découvert que j’aime les véhicules à quatre roues, et j’en fais avec modération lorsque la douleur le permet.

Tanya, ma femme, est mon pilier. Ma famille est aussi très compréhensive. Mes enfants ont vieilli et comprennent mieux ma maladie. Ils voient tout de suite lorsque j’éprouve de la douleur. Je ne sais pas ce que je ferais sans eux, et je suis très reconnaissant du temps que je passe avec eux. J’étais toujours parti quand je travaillais sur les plateformes pétrolières. Je suis ravi d’avoir la possibilité de voir mes enfants grandir.

J’ai beaucoup appris au cours des huit dernières années. J’ai appris à m’aimer comme je suis. J’ai appris à dire non, à moi-même et aux autres. J’éprouve toujours de la douleur au quotidien et j’ai des douleurs quand j’en fais trop.

C’est durant ces années que j’ai découvert Fil de Vie. C’est incroyable l’aide que j’ai reçue d’eux en si peu de temps. Ils m’ont aidé à voir mon état d’esprit et m’ont montré que je n’étais pas seul dans cette lutte. J’ai su de nouveau qui j’étais à ma première participation à un forum familial. J’ai vite demandé à devenir bénévole et conférencier, bien que la pandémie de COVID ait frappé avant que j’aie eu la chance de m’exprimer. J’aimerais aussi devenir guide familial bénévole un jour. Le simple fait de penser que je peux aider quelqu’un qui comme moi vit des épreuves serait un autre pas dans mon parcours de guérison. J’ai toujours été une personne attentionnée et serviable, et c’est ce que je retiens dans ma nouvelle conception de la vie.

Je tiens à remercier chaleureusement le personnel, les bénévoles, les travailleurs de soutien et ma nouvelle famille. Je dis « famille » et non pas « amis », parce qu’à Fil de Vie on se lie, on se respecte et on prend soin les uns des autres. C’est ça une famille! Mon parcours n’est pas terminé, loin de là, mais je sais que je ne suis pas seul, grâce à leur présence. Soyez fort et en sécurité.